(A)Prendre la Parole : notre philosophie
"Communiquer, c'est prendre la parole sans en priver les autres..."
Mais pourquoi « (A)Prendre la parole » ?
LE POINT DE DÉPART
Ne sait-on pas tous parler depuis – presque – toujours ? N’est-ce pas l’exemple parfait d’un savoir universellement partagé, « la base » ? Tout le monde parle. D’une manière ou d’une autre.
La parole va-de-soi : je parle, nous parlons. Point. Et comme tout ce qui va-de-soi, la parole – ce trésor - n’a plus la chance d’être interrogée, examinée, scrutée, prise pour ce qu’elle est et appréciée à sa juste valeur. Et notre époque où règne la communication – ou plutôt fausse communication – où domine le commentaire, le « post », le discours sans foi ni loi, le tout médiatique… cette époque participe à banaliser la parole : pour tout le monde, partout, tout le temps, pour dire n’importe quoi, à n’importe qui ou à personne (et c’est bien la même chose).
Comme nous gâchons les précieuses ressources de la terre, nous gâchons cette magnifique source qu’est la parole. Nous n’en prenons pas soin, nous ne l’apercevons même pas, nous l’utilisons comme nous mangeons : mal, sans respect pour nous-mêmes et sans respect pour l’autre, sans respect pour le monde. En fait, n’importe comment. Littéralement : nous parlons n’importe comment. Sauf… Ceux qui ont mis la main sur ce trésor et en saisissent le pouvoir !
Car parole et pouvoir sont liés selon un principe très simple : celui qui a la parole la confisque aux autres. Il PREND la parole, s’en empare. Il la confisque en monopolisant l’espace du silence ; il confisque le sens des mots ; il confisque les règles qui valident ou non un discours ; il confisque le vocabulaire ; il confisque les lieux d’expression.
Si prendre la parole c’est prendre le pouvoir, on peut choisir de ne pas en priver les autres : je prends puis je donne, j’écoute puis je parle. Pas de compétition, ni vainqueurs ni perdants. Juste la parole pour dire, pour comprendre, pour construire.
Impossible de prétendre apprendre la parole - je veux dire véritablement apprendre la parole - en prétendant l’utiliser pour dominer : que ce soit dans la relation, l’entreprise, la société, etc. On n’apprend pas un art pour soumettre, pour gagner. On apprend à parler pour que la parole soit, de la plus belle des manières : pas MA parole ou celle des autres, LA parole, celle de tous, NOTRE parole.
Il y a donc une dynamique : apprendre à parler, à aimer la parole, apprendre à écouter, à faire parler, à aider à parler, apprendre à comprendre, à déchiffrer, à accoucher les mots comme à les produire.
Apprendre la parole c’est d’abord apprendre à s’adresser à soi-même et s’écouter, puis écouter les autres et s’adresser à eux.
Apprendre la parole nous plonge dans un univers immense au cœur de ce que nous sommes : confiance en soi, émotions, posture corporelle, souvenirs, peurs, désirs, imagination, souffle, logique, observation, partage, attentes, violence, etc.
Apprendre la parole c’est marquer une nouvelle empreinte dans le monde, plus précise, plus puissante, plus harmonieuse. C’est éloigner la frustration du silence forcé, de l’informe inexprimé, de la violence de l’impasse communicationnelle. Dire c’est (se) libérer.
Si seulement nous savions parler…